MalgrĂ© son parcours, elle estime que rien ne l'avait prĂ©parĂ©e Ă  se voir proposer de prendre la tĂŞte de l'universitĂ© d'Édimbourg. En novembre dernier, elle avait Ă©tĂ© approchĂ©e pour savoir si elle envisagerait d'accepter le poste, jamais occupĂ© par une personne noire. Elle a acceptĂ©, tout en pensant que ses chances Ă©taient minces. Sa nomination l'a laissĂ©e sans voix. « C'est quelque chose que ne n'avais jamais imaginĂ© », confie Ă  l'AFP Debora Kayembe. « C'est quelque chose que je n'ai jamais cherchĂ©, c'est arrivĂ© sur un plateau. » Plusieurs mois avant sa nomination, elle s'Ă©tait retrouvĂ©e mĂŞlĂ©e Ă  un conflit qu'elle avait d'abord voulu Ă©viter. Elle avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© victime de racisme auparavant en Écosse. Mais les attaques ont atteint leur paroxysme en juin dernier, en pleine mobilisation mondiale contre le racisme après la mort de George Floyd, AmĂ©ricain noir mort lors de son arrestation par la police aux États-Unis. Debra Kayembe se rendait en voiture Ă  un rendez-vous professionnel quand sa voiture a violemment quittĂ© la route. En inspectant le vĂ©hicule, elle s'est rendu compte que des clous avaient Ă©tĂ© mis sur les quatre pneus de sa voiture. « Les fois prĂ©cĂ©dentes, je pouvais dormir tranquille », explique-t-elle. « Parfois, il faut faire le dos rond et laisser passer les choses, mais ce qui m'est arrivĂ© ce jour-lĂ  est inacceptable. »

Elle a racontĂ© ce qui s'Ă©tait passĂ© sur les rĂ©seaux sociaux. Mais plutĂ´t que de chercher la confrontation, elle a choisi d'adopter un message de tolĂ©rance et de dialogue avec ses agresseurs. « Je leur ai dit : Ă©coutez, ces choses font partie du passĂ© », explique-t-elle. « On a dĂ©passĂ© ça, si vous ne comprenez toujours pas, il va falloir que l'on dialogue. C'Ă©tait ça, mon message. Rien d'autre. » Peu de temps après, sa fille est revenue de l'Ă©cole en larmes, une enseignante lui avait demandĂ© de faire une danse d'esclave devant ses camarades de classe. Après des explications avec l'Ă©cole, elle a lancĂ© une pĂ©tition pour que le Parlement Ă©cossais s'attaque d'urgence au racisme dans le système Ă©ducatif. Le Parlement a acceptĂ©, la question sera dĂ©battue dans les mois qui viennent.

C'est justement le message de dialogue et de tolĂ©rance qui a attirĂ© l'attention de l'universitĂ© d'Édimbourg, qui compte parmi ses anciens Ă©tudiants Premiers ministres, Prix Nobel et athlètes olympiques. « Ils m'ont dit qu'en tant que rectrice de l'universitĂ©, mon message ira loin et que le monde entier Ă©coutera », rapporte-t-elle. « C'est pour ça que nous voudrions que vous preniez le poste », ont-ils ajoutĂ©.

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Fierté nationale

Selon Debora Kayembe, nĂ©e Ă  Kinshasa et Ă©levĂ©e par son oncle mĂ©decin, sa famille en RDC a Ă©tĂ© submergĂ©e d'Ă©motion en apprenant la nouvelle. « Il y a un sentiment de fiertĂ© nationale, ils attendent la cĂ©rĂ©monie inaugurale cet Ă©tĂ© pour venir en Écosse voir ça de leurs propres yeux », raconte-t-elle. Sa prioritĂ© après son installation le 1er mars sera de s'assurer que l'universitĂ© attire « les esprits les plus brillants en Écosse » pour l'aider Ă  se remettre après le coronavirus. La pandĂ©mie a eu pour vertu d'ouvrir les possibilitĂ©s d'enseignement Ă  distance, une opportunitĂ© pour l'Afrique, selon Debora Kayembe. Membre du barreau congolais depuis 2000, elle n'est pas retournĂ©e dans son pays depuis qu'elle a fui. LĂ -bas, sa vie est toujours menacĂ©e. Elle espère pouvoir grâce Ă  son poste de rectrice promouvoir un meilleur enseignement pour le continent. « L'Afrique a besoin de l'Ă©ducation, de la meilleure Ă©ducation », souligne-t-elle, « mon rĂ´le sera de m'assurer que ce soit tout